Nouvelle : Ne te retourne pas (3)

Hey les Rêveurs !

 

Prêts pour la troisième partie ? Certains ? Suite (mais pas la fin *grand sourire*) des aventures de Jesse et River, deux personnages que j’aurais vraiment aimé faire interagir jusqu’au bout. L’idée de conclure cette histoire dans un avenir proche me rendrait presque triste.

Sans plus attendre, je vous invite donc à découvrir par vous-mêmes ce qu’il va advenir de ces sympathiques personnages. C’est parti mon kiki !

 


 

Ne te retourne pas

3ème partie

 

Jesse ne voulait pas le montrer devant River mais il était forcé de reconnaître que cela le tracassait beaucoup. D’autant plus qu’aucun d’eux ne pouvaient raisonnablement expliquer ces mystérieuses circonstances.

 

« Alors.. toi aussi ? Je croyais que c’était mon imagination qui me jouait des tours. Mais ce que tu me dis là change la donne… » Évalua-t-il en se grattant l’arrière du crâne.

 

« Fiou.. » Souffla-t-elle dans la foulée, apparemment libérée d’un poids. « Moi, je croyais être devenue cinglée… »

 

Les deux se turent un instant, se contentant d’échanger un regard préoccupé. River baissa les yeux la première et, par mauvais réflexe, se rongea l’ongle de l’index. Jesse, qui lui ne s’était pas détourné d’elle, même dans un moment aussi troublant que celui-ci, ne put s’empêcher de la trouver irrésistible. Son air perdu lui donnait envie de la prendre à nouveau dans ses bras. Pendant quelques secondes, il en oublia leur situation commune.

 

« Qu’est-ce que tout cela veut dire ? » Demanda-t-elle en relevant la tête, surprenant le jeune homme sur le fait.

 

Elle lui adressa un petit sourire, du genre qui signifiait très clairement : « je t’ai grillé, mon coco ». Et comme prévu, il eut l’effet escompté. Jesse, qui était si sûr de lui d’habitude, fut décontenancé mais parvint toutefois à bredouiller :

 

« Euh.. je.. franchement, j’en sais rien. »

 

« Mouais… C’est bien ce que je pensais. » Gloussa-t-elle en levant les yeux vers le ciel.

 

« Je rêve ou tu te moques de moi ? » S’écria-t-il sur un ton faussement en colère.

 

River afficha sa superbe dentition en effectuant le geste « un petit peu » à l’aide de ses doigts, comme si elle tenait quelque chose. Jesse s’apprêtait à lui rendre la pareille quand il entendit de nouveau le son de cette voix, en fond. Elle prononça la même formule, celle qui faisait office d’avertissement.

 

« Ne te retourne pas… Continue d’avancer… »

 

Observatrice, River avait instantanément remarqué son changement d’état.

 

« Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Lança-t-elle, alors prise d’un frisson inexplicable.

 

Mais Jesse n’eut pas le temps de s’expliquer auprès de la jeune fille, car l’environnement s’en trouva modifié. Encore une fois. Le revoilà dans la maison de son enfance, dans le couloir gris, à l’endroit exact où il se tenait avant de revoir River. Plus aucune trace de la belle brune. « Évidemment.. » Soupira-t-il en ayant l’impression d’être revenu au point de départ.

Tandis qu’il faisait face à la porte de sa chambre, la voix se fit de plus en plus pressante.

 

« Continue d’avancer ! Ne te retourne pas ! »

 

Jesse prit sa tête entre ses mains, cherchant une solution à ce problème. Entendre cette voix qui provenait de nulle part le stressait au plus haut point.

 

« Ne te retourne pas ! » Insista-t-elle.

 

Ce fut l’intervention de trop pour lui.

 

« ÇA SUFFIT MAINTENANT ! » Cria-t-il à en faire résonner le couloir entier.

 

Jesse desserra les dents et sembla s’adresser à ce qui ressemblait à une silhouette, tout au bout, à l’opposé.

 

« Qui que vous soyez, montrez-vous ! » Exigea-t-il, sans trop d’espoir néanmoins. « J’en ai ma claque de vos conneries !! »

 

L’ombre se déplaça lentement dans sa direction. Les bruits de pas suggéraient la présence de quelqu’un ; aucun doute là-dessus. Jesse ravala sa salive et prenait son mal en patience avec une certaine appréhension. A qui donc pouvait bien appartenir cette silhouette, dont la taille paraissait dépasser la sienne ? Il aurait bientôt la réponse. Le couloir lui semblait encore plus long que tout à l’heure, à cause de l’attente interminable. Il n’était pas très fort à ça : attendre.

Alors que le mystérieux inconnu, à la carrure imposante confirmée, se trouvait désormais à distance suffisante, le jeune homme pensait enfin pouvoir découvrir son identité. Mais la lumière environnante s’intensifia, jusqu’à en devenir aveuglante, lui gâchant ainsi la vue. Impossible de mettre un nom sur le visage de l’individu, qui n’était plus qu’à quelques pas seulement de sa position.

Jesse brûlait d’envie de savoir et voulait avancer, mais il se rendit compte qu’il n’en avait pas la force. Il n’avait aucune idée de ce à quoi il faisait face et cela le rendait extrêmement nerveux. Ses muscles ne lui obéissant plus, il était comme paralysé.

 

« Approche. » Dit calmement la voix, toujours aussi profonde et caverneuse.

 

La curiosité de Jesse l’emporta finalement et il alla à sa rencontre, avec un mauvais pressentiment. Celui-ci s’avéra être justifié lorsqu’il entra dans la lumière et qu’il put enfin voir de ses propres yeux le visage de cette fameuse silhouette. La vérité lui explosa à la figure, à tel point qu’il faillit en vomir ! L’inconnu qui se tenait devant lui était un homme, et pas n’importe lequel : il s’agissait en fait de son père, décédé il y a tout juste un an !

 

« Salut Jess. » L’accueillit-il à sa manière habituelle, sur la réserve mais les yeux plein d’amour toutefois. « Ça doit te faire un sacré choc, j’imagine. »

 

Sa voix était redevenue normale, celle qui avait été la sienne auparavant. Jesse avait arrêté de respirer sans s’en rendre compte, comme s’il était suspendu à un fil au-dessus du vide. Sa tête bourdonnait et sa gorge était sèche ; il peinait à se ressaisir ainsi qu’à recoller les morceaux du puzzle, éparpillés dans tous les sens.

 

« Ce n’est pas possible… » Bredouilla-t-il, reculant de quelques pas. « Ça se peut pas.. Ça peut pas être toi.. »

 

« Je comprends que tu aies du mal à réaliser. C’est normal. Mais je t’assure, c’est bien moi. » Répondit le père, qui avait l’air de savoir certaines choses.

 

« Regarde. » Ajouta-t-il en le prenant dans ses bras, afin de lui prouver qu’il n’était pas qu’une simple apparition.

 

Jesse ne voulait pas y croire car son esprit, dans sa logique programmée, rejetait l’idée inconcevable que son père puisse encore être vivant, quelque part. Mais il devait l’admettre pourtant, cet homme ne pouvait être nul autre que son père, censé être mort depuis des mois. Comme si sa situation n’était pas déjà compliquée… Le garçon fondit alors en larmes et serra son père de toutes ses forces.

 

« Comment ça va, mon fils ? » Lui demanda-t-il, se laissant également submerger par ses émotions.

 

Il posa sa grande main sur l’arrière du crâne de Jesse, enfouit son nez et sa bouche dans ses cheveux cuivrés, et il aurait souhaité, à ce moment-là, ne plus jamais le lâcher. L’un comme l’autre furent heureux de se retrouver après leur séparation tragique, dont le fils et sa sœur avaient eu tant de mal à se remettre.

 

« Je suis si heureux Papa… Tu m’as tellement manqué ! » Lui avoua-t-il entre deux sanglots.

 

Jesse essuya ses larmes et releva la tête, croisant le regard chaleureux de son père.

 

« Mais.. »

 

« Mais quoi ? »

 

« Je n’arrive pas à y croire. C’est trop beau pour être vrai… Je ne serais pas encore en train de rêver ? Hein ? » Enchaîna-t-il en ne sachant plus quoi penser.

 

Les deux se libérèrent mutuellement. Le père eut son petit sourire caractéristique, il ne comprenait son fils que trop bien. Après tout, il avait vécu la même chose lui aussi.

 

« Tu es dépassé à ce que je vois. » Fit-il la remarque.

 

« Royalement… Haha.. » Plaisanta Jesse, qui tentait de retrouver un peu de tranquillité d’esprit.

 

« Ce n’est rien. Tu vas vite comprendre. »

 

« Ah bon ? Parce que tu sais ce qui se passe, toi ? »

 

Le jeune homme perçut alors une lueur étrange dans ses yeux. Il en était persuadé maintenant : l’homme qui avait été son père durant autant d’années lui cachait quelque chose, ou du moins, cherchait la meilleure manière de lui amener les révélations qu’il attendait.

 

« Allez… » Marmonna-t-il, essayant de contenir de son impatience.

 

« Hmm ? »

 

« Crache le morceau Papa ! » Cria-t-il soudain, déterminé à connaître le fin mot de l’histoire.

 

« C’est vrai que tu me ressembles beaucoup. Ta mère a raison sur ce point. » Observa celui-ci.

 

Jesse lui lança un regard inquisiteur, qui aurait très bien pu vouloir dire : « qu’est-ce que tu attends ?! ». Alors son père l’attrapa par les épaules et, tout en le tenant fermement, lui fit l’aveu suivant :

 

« S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est que tu n’es pas dans un rêve. »

 

Puis il relâcha la pression dans ses muscles endoloris ; il avait toujours eu ce côté un peu brute et pas délicat, au grand dam de ses enfants.

 

« Quoi ? Mais.. On est où alors ? » voulait savoir Jesse, qui trouvait cette réponse loin d’être satisfaisante.

 

« Ailleurs. »

 

Cette nouvelle réplique lui fit grincer des dents. L’attitude franchement évasive de son père le rendait irritable et il faisait de son mieux pour ne pas s’emporter.

 

« Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ça, « ailleurs » ? Tu te fous de moi, sérieux ? Pourquoi tu ne me dis pas les choses simplement, telles qu’elles sont ? Ou peut-être que tu n’en sais rien, en fin de compte… » Bouillonna-t-il, en s’efforçant de rester poli.

 

« C’est compliqué, Jess ! » Rétorqua le père, dans un râle qui trahit son embarras. « Ce n’est pas facile à dire, voilà tout. »

 

Jesse l’agrippa à son tour, de la même manière qu’il le fit avec lui précédemment.

 

« Sachez que je suis capable de comprendre, Père. Alors parlez, je vous en conjure ! » Exagéra-t-il volontairement.

 

Depuis qu’il est en âge de prononcer des mots et de réfléchir par lui-même, il n’a cessé de développer cet humour si particulier, qui d’ordinaire le rend attachant auprès des autres ; ses parents, le père notamment, y sont très sensibles et rient de bon cœur à chaque scène, chaque trouvaille du petit garçon qu’ils ont élevé.

Comme il l’avait prévu, son père ne put – ou ne sut – résister à une telle comédie et s’en amusa.

 

« Bon écoute… Tu as gagné. » S’avoua-t-il vaincu.

 

Son regard se fit plus soutenu tout à coup. Jesse crut y déceler une immense tristesse.

 

« Je vais te montrer quelque chose, ce sera toujours mieux avec des images. » Poursuivit-il, d’une voix grave et presque émue. « Mais avant cela, tu as encore un souvenir à revivre… C’est un passage obligé. »

 

Le jeune homme, qui écoutait attentivement les paroles de son père, était à la fois soulagé, à la fois anxieux par ce qu’il s’apprêtait à voir. La vérité sur son sort lui tendait les bras.

La lumière blanche qui les entourait jusque là devint beaucoup plus intense, ce qui le força à tourner la tête afin de se protéger les yeux, réaction identique à celle qui nous vient d’instinct lorsque l’on fixe le soleil un peu trop longtemps.

Bien sûr, le père, retrouvé deux minutes plus tôt, avait disparu comme par magie. Devant lui se dessinait désormais un paysage familier. Il était sur le trottoir qui longe la route menant au lycée de sa ville, face à l’abri-bus aux multiples graffitis, entouré par de grands sapins. Il reconnaissait parfaitement cette route, car c’est celle qu’il empruntait pour se rendre à l’établissement scolaire lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent. Aujourd’hui, c’était sa sœur qui s’y rendait avec ses amies.

Le ciel dégagé brillait d’un bleu intense, les températures s’avéraient être très douces. Il flottait dans l’air un parfum estival, une délicate odeur de floraison mêlée à l’insouciance de la jeunesse. Une fois ses repères acquis, Jesse se demandait ce qu’il faisait là, au milieu de tous ces futurs étudiants qui allaient et venaient, et qui n’avaient évidemment pas conscience de sa présence. Quel était donc ce dernier souvenir que son père avait mentionné, avant qu’il n’atterrisse à cet endroit précis ?

 

« Je ne me rappelle absolument pas avoir vécu quelque chose de marquant ici… » Songea-t-il, perplexe.

 

C’est le moment que choisit Kay pour faire son apparition, à une dizaine de mètres de sa position. Elle était accompagnée par deux de ses meilleures copines, le teint frais, et semblait d’humeur joviale. Voir ainsi le visage rieur et réjoui de sa petite sœur suffit à l’apaiser.

 

« Kay… Je serais dans l’un de tes souvenirs ? » Pensa-t-il maintenant.

 

Tandis qu’elle marchait devant lui, l’effleurant au passage, Jesse remarqua seulement la brise qui s’était levée depuis son arrivée, celle-ci venant par la même occasion de le décoiffer. L’adolescente s’arrêta au niveau de la bordure peinte en jaune vif, qui indiquait l’interdiction de stationner, au croisement de la route, et regarda les deux autres filles s’éloigner. Après leur avoir fait signe et dit au revoir avec énergie, elle se mit à patienter. Clairement, elle attendait quelqu’un.

Embêtée par le vent qui faisait voler ses mèches, elle sortit son joli foulard rouge à motifs blancs, celui qu’elle avait pour coutume de porter par beau temps, de son sac à dos, afin de s’attacher les cheveux. Alors qu’elle les remonta à l’aide de ses mains, le foulard qu’elle tenait dans sa bouche s’envola subitement sous l’effet d’une bourrasque. Jesse l’observait toujours et la mémoire lui revint comme un boomerang le frappant de plein fouet.

Il s’en souvenait de cette scène, désormais : autant dire qu’il aurait préféré l’oublier de manière définitive. Au lieu de cela, voilà qu’il était forcé de revivre ce moment difficile… D’un point de vue extérieur cette fois. Il savait exactement – et malheureusement – ce qui allait se dérouler dans la minute qui allait suivre. En ce jour particulier, date d’anniversaire de sa petite sœur adorée, Jesse était censé la retrouver à l’intersection et l’emmener ensuite où elle voulait, faire ce qu’elle voulait, conformément à son souhait initial.

La boule au ventre, il fixa Kay se retourner puis traverser la route afin de récupérer son foulard, auquel elle tenait beaucoup. Le problème, c’est qu’elle n’avait pas pris soin de vérifier l’état de la circulation avant de s’abaisser pour ramasser son effet personnel. Et alors qu’une grosse berline surgit de nulle part, Jesse, qui venait d’arriver au lieu de rendez-vous, d’un pas décidé sur le trottoir d’en face, calcula rapidement le danger et il ne lui en fallut pas plus pour la secourir, peu importe les risques encourus.

Dans un élan de panique, n’écoutant que son courage et le désir de protéger sa sœur quoiqu’il en coûte, Jesse observa son double de l’époque se jeter sur le bolide, juste avant que celle-ci n’atteigne Kay. La suite parut évidente… Le crissement des pneus fut horrible, le bruit du corps du jeune homme percuté par la carrosserie le fut encore plus. Le vacarme, qui ne dura qu’un bref instant, laissa place à un silence glacial. Les élèves, qui étaient occupés à leurs petites affaires il y a à peine une minute, s’agglutinaient autour de cet affreux spectacle ; les uns chuchotaient, d’autres réagissaient avec effroi, tandis que certains se mettaient à filmer. Le conducteur, quant à lui, était sorti de l’automobile, blanc comme un linge, totalement affolé. On pouvait l’entendre répéter : « Oh non… Oh non… Oh non, non, non, non, NON ! »

Kay, qui croyait que c’en était fini et toujours repliée sur elle-même, n’avait pas réalisé tout de suite la gravité de la situation. Ce n’est que lorsqu’elle aperçut Jesse allongé au sol, quelques mètres plus loin derrière la voiture, qu’elle en prit conscience. Ce dernier ne donnait aucun signe de vie apparent. La fille de quinze ans hurla de tous ses poumons en tombant littéralement sur son frère, héroïque. Elle se serrait contre lui et l’implorait de ne pas la laisser seule. Ses larmes coulaient à flots et se mélangeaient au sang de Jesse.

En plein traumatisme et dans sa détresse du moment, elle ne faisait même pas attention aux gens autour d’elle. Son entière attention était focalisée sur son frère, entre la vie et la mort, qui n’avait pas hésité une seconde à se précipiter afin de la sauver.

 

« Putain.. Kay.. » Compatit Jesse à sa douleur, choqué par la vision de son propre accident.

 

Il se sentait tellement impuissant face à ce douloureux fragment de son vécu, tellement désolé face à la souffrance indicible de sa petite sœur qu’il en avait envie de pleurer lui aussi. L’impression du souvenir était si réelle qu’il sentit son cœur exploser, à l’intérieur sa poitrine compressée.

 


 

Je recule de nouveau l’échéance, avec une 4ème partie à venir, mais c’est pour mieux terminer avec panache. Soyez-en sûrs !

 

Vous l’aurez sans doute d’ici fin avril, voire début mai. La conclusion de cette histoire sera magnifique.

 

Et comme d’hab, merci de m’avoir lu ! Portez-vous bien surtout !

 

Puissiez-vous atteindre vos objectifs 😉

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