Nouvelle : Notre Sauveur


Yo les Rêveurs !

 

Vous êtes en forme ? Parce que je le suis ! Enfin j’essaie, comme chacun d’entre nous je suppose !

Je continue d’affiner mon style avec une nouvelle de Science-Fiction, qui a récemment germée dans mon esprit. Je pense même, pourquoi pas, partir sur un roman un de ces jours. C’est une éventualité que je n’écarte pas et que je range de côté pour plus tard. On verra bien.

En attendant, je vous laisse vous faire votre propre idée de ce que cela pourrait donner.


 

Notre Sauveur

 

 

Et dire qu’il y a à peine seize heures, tout le monde foulait encore le sol de la Terre, commentai-je, fasciné.

 

Je posai ma tasse de thé noir, le seul qui me convienne, sur la petite plateforme chauffante qui ressemblait beaucoup à un aspirateur automatique. Cet appareil génial, plus rapide, plus pratique, plus discret, plus tout, avait progressivement remplacé notre bon vieux four à micro-ondes au cours de la dernière décennie.

 

Oui, c’est incroyable Professeur ! Acquiesça Matthias, mon assistant personnel.

 

Il est doué Matthias. Un bosseur comme on n’en voit plus et comme j’en ai rarement vu d’ailleurs. Je pouvais lui demander n’importe quoi, il s’exécutait sans broncher. C’est ce que j’aime le plus chez lui. Il planchait depuis tôt ce matin sur la « mission » que nous sommes censés mener à bien : trouver comment soigner la planète, malade. Pauvre Matthias. Si jeune et si compétent. Si crédule. Cette soi-disant mission m’importait peu. Mais comment le blâmer ? Il ne pouvait pas s’imaginer que j’avais déjà en ma possession « le remède qui sauverait l’humanité ». Ah ! C’est sûr que ça sonnait d’enfer !

 

Fais une pause et mange un morceau, lui suggérai-je avec nonchalance. Le Simulateur ne va pas s’envoler, tu sais.

Non merci, refusa-t-il poliment. C’est gentil de vous inquiéter pour moi mais, je vous assure, ça ira !

 

M’inquiéter pour lui ? Haha ! Comme je vous le décrivais : si crédule.

Le Simulateur était une autre avancée technologique extraordinaire. Cette superbe machine, de la taille d’une grande douche, entièrement tactile, fonctionnait comme un super-ordinateur, meilleur que le meilleur des ordinateurs. Bien meilleur. Chaque probabilité de chaque événement était calculée au millimètre près. Non, au nanomètre près. Le Simulateur ne se trompait que très rarement, pour ne pas dire jamais. L’arme ultime en somme et, le plus curieux, c’est que personne d’assez intelligent n’avait projeté de s’en servir à des fins personnelles. Cela aurait été purement égoïste, certes, mais cela aurait aussi été un magnifique coup de maître.

Commettre le crime parfait, fantasme de tous les tueurs dérangés, devenir plus riche que n’importe qui, s’emparer d’un pays d’un claquement de doigt… Sans rire, tout cela aurait été rendu possible avec le Simulateur. Et je suis étonné que les gouvernements, à l’époque, n’aient pas saisi l’occasion de renforcer leur pouvoir et de creuser définitivement le fossé des inégalités. Ces imbéciles n’avaient pas perçu son potentiel incommensurable et c’est tant pis pour eux. Ils n’étaient plus là pour réécrire l’Histoire. Plus là comme l’ensemble du genre humain.

En fin de compte, je remercie le ciel d’avoir toujours eu cet instrument divin sous le coude. J’ai été assez intelligent, moi, pour voir plus loin que sa fonction première et superficielle. Les Hommes auraient pu guérir toutes les abominations dont sont victimes une partie de leurs congénères. VIH, cancers, famine, pauvreté, etc. Tant de fléaux qui sont restés contemporains de notre monde, en 2176 bien plus encore qu’en 2016. Pourquoi ? La raison ne vous semble-t-elle pas flagrante ? L’argent, voyons ! Ce moteur intemporel qui a fait tourner le globe depuis la nuit des temps. J’ai enrayé le système grâce au Simulateur et je n’étais pas peu fier du résultat. Le bouquet final approchait et il me tardait d’y assister. Je n’en manquerai pas une miette.

 

Les autres dorment toujours ? Me lança Matthias tandis que je consultai ma montre.

 

« Il sera bientôt l’heure » pensai-je à l’instant sans prêter attention à la question de mon assistant. Je n’en pouvais tellement plus d’attendre que ma jambe gauche avait des spasmes. Le stratagème que j’ai mis au point il y a environ deux ans allait atteindre son apogée. Enfin ! Je jubilai d’avance. Matthias répéta ses propos en haussant la voix. Perdre ce mioche bon vivant me faisait tout de même un petit pincement au cœur. Je lui avais appris tout ce que je savais. Tout sauf à se méfier de moi. Il ne pouvait absolument pas prévoir le dernier acte, celui qui mettrait irrémédiablement un point final à l’épopée de la race humaine. Sans doute le plan le plus machiavélique qui m’ait été donné d’échafauder. Un frisson d’exaltation me parcourut l’échine.

 

Ils ne se réveilleront pas de sitôt, ironisai-je en un rire cynique afin de lui répondre.

 

Il fronça les sourcils et me dévisagea de son air suspect mais bienveillant. Tel que je le connais, il essayait certainement de comprendre ma plaisanterie insaisissable. Je parierais ma tête qu’il ne se figurait pas une seconde ce qui s’était véritablement passé dans la salle de conférence, la pièce où nous avions tous coutume de nous réunir pour discuter. Mon équipe de scientifiques, que j’avais personnellement triés sur le volet, ne discuterait plus de rien. Je les avais piégés dans cette salle aux allures futuristes, teintée de blanc et de gris ardoise, puis les avais mortellement intoxiqués, avec du gaz cyanogène que j’avais déversé dans la ventilation.

Je reposai ma tasse sur le support le plus proche et pivotai sur le jeune homme d’un geste vif et précis.

 

Toi aussi tu vas dormir, Matthias, affirmai-je en le visant de mon Beretta 92 chromé 9mm.

 

Je ne lui laissai pas le temps de réagir et, alors qu’il ouvrait la bouche, j’appuyai sur la détente de ce calibre indémodable. Une balle se logea dans sa poitrine, ce qui provoqua une giclée de sang spectaculaire. Matthias s’écroula au sol, conscient que sa vie allait prendre fin dans quelques secondes. Je marchai jusqu’à lui, le visant à nouveau, disposé à l’achever cette fois.

 

P.. Pou.. Pour.. quoi ? Parvint-il à articuler, non sans mal.

Désolé gamin. L’humanité n’est pas digne de survivre. Elle a seulement prouvé qu’elle devait être éradiquée, et sois sûr que j’y veillerai jusqu’au bout, lui annonçai-je froidement sans détour.

 

« Adieu et merci pour ton travail exemplaire » me dis-je au moment où je lui tirai dessus à bout portant. Ainsi, Matthias s’en était allé. Et voilà que l’attente était de retour, interminable.

J’enjambai le corps encore chaud de mon ancien élève, abandonnant le pistolet sur la scène de crime au passage, et me dirigeai vers les placards derrière le comptoir. J’ouvris le premier et fouillai, à la recherche des gélules soporifiques. Je programmais de me plonger en état de sommeil artificiel, trois heures durant, au moins, puis de me réveiller pile au moment désiré. J’avais beau retourner le placard de fond en comble, il n’y avait aucune trace des petites pilules vertes. Uniquement des instruments dépassés et inutiles. Je passai au placard suivant et toujours rien. Bordel ! Où pouvaient-elles bien se cacher ?

« Réfléchis, Gunnarsson, réfléchis ». Et c’est ce que je fis. Il ne me fallut pas longtemps avant de découvrir que la boîte de gélules se trouvait dans la poche de pantalon de Matthias ; ce dernier souffrait d’insomnies, c’était logique après tout. Je laissai tomber trois capsules dans la paume de ma main, une capsule correspondant à une heure de sommeil. Je les avalai d’une traite en buvant la dernière gorgée de mon thé et m’installai confortablement dans le siège en cuir marron du bureau.

Avant de fermer les yeux et de m’endormir profondément, ce qui prend en général cinq à dix minutes, je me repassais le film de tout ce que j’avais entrepris jusqu’ici pour en arriver à cette sublime conclusion, l’anéantissement prochain des miens. Je me revoyais dans le Simulateur, émerveillé devant les planifications affreuses mais inévitables auxquelles j’allais devoir procéder. Je me revoyais dans mon laboratoire, en train de créer le virus, de loin la plus puissante arme bactériologique jamais conçue, que j’ai ensuite libéré dans l’atmosphère dans le but de contaminer la population mondiale. Je me revoyais face à cette foule apeurée, dont faisaient partie les ultimes survivants d’un Ordre disparu, qui n’attendaient qu’un leader pour les guider. Je me revoyais les duper avec aisance, gagner leur confiance en tant que chef du groupe, si adulé qu’ils m’avaient appelé « Notre Sauveur ». Enfin, je me revoyais les envoyer dans l’espace sous la menace imminente d’une évolution du virus, un prétexte qui remplit impeccablement son rôle. Je revoyais les expressions graves et pesantes de ces ignares, incapables de raisonner par eux-mêmes et condamnés à disparaître, comme tous ceux qui ont succombé antérieurement.

A mon réveil, j’eus l’étrange impression que c’était un jour différent. Peut-être était-ce parce que mes manigances touchaient à leur terme. Je me levai du siège et me servit un whisky de 60 ans d’âge, agrémenté d’un glaçon, avec une certaine gaieté. L’occasion valait rudement la peine de déguster pareil breuvage ! Je me surpris à fredonner une comptine avec laquelle ma mère, paix à son âme, me berçait quand j’étais petit et que je me blottissais contre elle. Je tapai des mains pour allumer la radio, cette salle étant configurée sur le son plutôt que sur la lumière, et choisis oralement l’une de mes musiques favorites. Les amplificateurs audio, disposés aux angles de chaque mur, commencèrent à émettre I Promise de Radiohead. Ma tête gigotait au gré de la douce mélodie et des paroles enivrantes. A moins que ce ne soit l’alcool.

Accompagné de mon verre et de ma chanson, je me dirigeai, sans me retourner sur le corps sans vie de Matthias, vers l’immense baie vitrée afin de contempler le paysage majestueux qui s’étendait à perte de vue. Une prairie aussi grande que plusieurs stades de football, entourée par des montagnes d’ébène escarpées, entrecoupées par ce qui paraissait être un mince filet d’eau observé depuis mon poste, le tout éclairé par le soleil couchant, imperturbable. On pouvait aussi y voir une petite ville déserte, symbole d’une ère dorénavant archaïque.

Le tableau qui s’offrait à moi était comme indélébile. Marqué à jamais dans ma mémoire. Je demeurais de longues minutes scotché à la vitre puis je consultai ma montre à nouveau. Plus que 56 secondes au compteur ! 50, 45, 40, 35… Mon impatience criarde allait bientôt être récompensée. Je sondais la voûte céleste, les yeux rivés sur la position du vaisseau « providentiel » que j’avais déterminée un peu plus tôt, en quête de la moindre étincelle aveuglante. 30, 25, 20, 15… J’ingurgitai la dernière goutte de whisky et jetai le verre par-dessus mon épaule droite. Le bruit du matériau brisé annonça le décompte : 10, 9, 8, 7, 6…

Les cinq secondes restantes furent un supplice. Lorsqu’elles s’écoulèrent, je pus souffler pour de bon. L’étincelle fut bien au rendez-vous, plus impressionnante que ce que j’avais prévue. Une déflagration déchira la nuit tombante et ses couleurs redécorèrent le tableau. Sensationnel !

 

J’ai réussi… Putain ouais ! Je l’ai fait ! Vous avez vu ça, enfoirés !? Exultai-je, euphorique et triomphal à la fois.

 

Je serrais le poing en réalisant l’œuvre que je venais de parachever, aboutissement de tant d’efforts, au prix de la morale et de sacrifices indispensables. On parlait quand même de génocide. Non, mieux ! D’extinction. Moi exclu, l’espèce humaine venait de s’éteindre. Et de manière irrévocable. Qui l’eut crû ? Qui eut crû qu’un seul individu serait responsable de sa chute toute entière ? Pleinement satisfait de la tournure des événements, il ne subsistait qu’une chose à faire : profiter d’un savoureux cigare et mourir serein, le sentiment du devoir accompli.


 

Voilà, voilà ! J’espère que vous aurez aimé cette histoire. J’en ai beaucoup d’autres en stock, dont quelques unes dans la même veine.

Merci de me lire, Rêveurs, et à la prochaine !

 

Puissiez-vous atteindre vos objectifs (comme Gunnarsson, mais pas aussi radicalement s’il vous plaît) 😉

6 commentaires sur “Nouvelle : Notre Sauveur

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  1. Coucou
    Changement radical de style. J’avoue que ce n’est pas celui que je préfère, mais j’ai quand même pris plaisir à lire.
    De bonnes idées, et une belle écriture. Bravo !
    Moi, j’y crois au roman en bout de chemin en tout cas tu as tous mes encouragements.
    Bisous.

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